La Coryphène des Baléares

 


Ce matin là, au départ de l'île de Majorque, la ligne part vigoureusement, c'est un bon présage pour la traversée direction Marseille sur le "Cassandre" de Yves F6EPT avec Christian F5AXN en second.Au revoir Majorque

 

 

La prise, ramenée à bord est une coryphène, réputée pour être le meilleur poisson de la création (culinairement parlant) d'après ceux qui ont bourlingué sur toutes les mers et océans.

L'animal est précieusement remis entre les mains de notre cuisinier émérite, Yves, baptisé par ailleurs capitaine Cook vu la qualité des repas qu'il sait nous préparer à bord.
La navigation reprend ensuite de plus en plus lente avec un vent qui finit par tomber et tout se poursuit au moteur sur une mer transformée en miroir.

La nuit tombée, nous décidons de profiter au maximum du fruit de notre pêche et d'en déguster même les odeurs de cuisson en coupant le moteur au centre d'un lac sur lequel se reflètent la pleine Lune et Mars au plus près de notre planète cette année là, et qui se lèvent à l'unisson.

C'est le paradis, loin de tout dans un site grandiose et devant un plat digne du grand Lucullus.

On va manger la coryphène!

La pauvre bête dégustée, nous repartons, au moteur, et je plonge dans ma couchette, laissant les deux collègues mener le bateau vers l'étoile polaire; il me réveilleront demain à 6h pour mon quart afin que je profite de l'aube pour filer des lignes et ramener un éventuel thonidé.

 

Pendant la nuit, je sens que le vent a dû se lever car le bateau s'agite pas mal, vers 4-5h du matin je dois m'accrocher à tout ce qui est à ma portée pour ne pas être éjecté de la couchette, vers 5h30 je suis sorti du lit avant l'heure légale de mon quart par une cataracte d'eau salée qui me tombe dessus par un hublot resté ouvert.
Il serait peut être bon d'aller voir dehors les causes de tout ce chahut.

Le soleil se lève, le spectacle est total, il y a un vent qui hurle dans les haubans, et les vagues atteignent la hauteur des barres de flèches; Yves et Christian sont trempés et frigorifiés, tétanisés sur la barre, on est toujours sous moteur, sans voile, face au Mistral qui s'est levé, comme il sait le faire en Méditerranée; le bateau, moteur à fond, face au vent, escalade les vagues à 2 noeuds, et l'on se demande en approchant la crête s'il ne va pas reculer dans la pente; un conseil de guerre s'impose!

Face à deux bretons, je suis le seul méditerranéen, ils déclarent unanimement que le problème ne relève pas de la marée ou de rochers vicieux, qu'il n'est donc pas maîtrisable par des marins normaux, et que de toute façon c'est ma mer et que je n'ai qu'à en assumer les conséquences.

Et les deux complices vont se coucher.

Devenu maître à bord, je décide que notre salut est dans la fuite; ils m'aident donc à sortir un tiers de génois avant d'aller récupérer, j'abas de 90° sur bâbord, le vent s'engouffre dans la voile, le voilier bondit comme un pur sang fouetté par son jockey, direction n'importe où, à une centaine de kilomètres de là, mais à l'abri des Pyrénées.

C'est parti pour des heures de fantasia sur la crête des vagues, le bateau les escalade à 7 noeuds, prend une gifle au sommet, et moi un seau d'eau (tiède), il retombe plus ou moins brutalement dans le creux selon ma dextérité à gérer le franchissement de l'obstacle, et ça recommence à la suivante.
Yves s'est casé dans la cabine arrière, il arrive à se coincer entre deux cloisons; Christian a commis l'erreur d'aller dans la couchette du triangle avant; quand le bateau plonge dans un creux, Christian décolle et va heurter le plafond; quand le bateau arrive en bas, Christian atterrit avec brutalité sur sa couchette; bizarrement, il n'arrivera pas à dormir.

Six heures plus tard, je vois une côte, c'est Palamos, en même temps le vent a faibli et la houle aussi, le calcul était bon, nous arrivons à l'abri des Pyrénées, encore deux heures et tout redevient agréable, nous remontons la côte vers le nord.

Calme du mouillage

 

 

Dans le calme revenu nous concluons que la dorade coryphène est un poisson qui en outre se digère parfaitement car aucun d'entre nous n'a été malade...

 

 

 

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